” BIS, la 2ème vie du papier “
Rencontre avec l’arlésienne Karin Chiron, créatrice du sac en papier recyclé BIS qui a été récompensé en mars 2020 par le prix de l’innovation européen
Papier et séduction
Karin vient d’une famille de bricoleurs et de manuels où l’on adore démonter les objets, regarder comment ils sont faits et essayer de les remonter voire de les ré-inventer. Quand une idée arrive, on la creuse et on repète inlassablement les gestes jusqu’à obtenir le résultat espéré. Le sac en papier recyclé, Karin ne l’a pas inventé mais elle lui ouvre une nouvelle perspective, celle de l’économie infiniment circulaire et solidaire. L’idée du Bis lui est venu le jour où l’un de ses amis, de retour d’Inde, lui offre un sac en papier fait de vieux journaux. Outre l’objet qu’elle trouve beau et noble, elle remarque surtout que, malgré la faible valeur des matières premières et la simplicité d’assemblage, les gens gardaient précieusement ces sacs en papier et continuaient à les utiliser au quotidien ou en servir de déco pour la maison.
Et oui, à l’ère du numérique, l’attachement au papier reste fort chez beaucoup d’entre-nous, pour son côté sensuel et pour toute la nostalgie qu’il peut véhiculer. L’objet dispose donc dès le départ d’un fort capital-sympathie voire d’un certain pouvoir de séduction et d’une palette d’émotions presque infini. Le beau, le voyage, la fête, l’info, le rire ou la prise de conscience, tout est possible avec le Bis ! Qu’on utilise les gros titres typographiques d’un vieux quotidien, les unes flashy d’un magazine anglais ou une affiche chatoyante du festival Les Suds, chaque Bis a son messsage…. et son public puisque d’après une étude très sérieuse, 85% des gens avouent s’intéresser à ce qui est écrit sur les sacs en papier croisés dans les zones commerciales.
Un succès fou
L’une des premières étapes du projet a été de récupérer un maximum de jolis papiers et de laisser parler son imagination pour créer différents modèles et montrer toutes les possibilités qu’offre le sac Bis. Sa petite maison du centre-ville d’Arles devient vite son atelier, affiches, journaux et magazines de toutes sortes commencent à s’accumuler dans chaque recoin encore libre. La collection s’étend et le succès est au rendez-vous. Elle intégre le projet européen Smath porté en Pays d’Arles par le Pôle Culture & Patrimoines et remporte même en mars 2020 le prix européen de l’innovation.
Mieux que le recyclage, le recyclage local !
Convaincue par le coté affectif et émotionnel du Bis, Karin se pose cependant des questions sur la réalité écologique du papier et du recyclage. Elle fait des recherches et comprend que le papier est une source très importante de déchets et que les processus de recyclage actuels ne sont pas forcément irréprochables. La fabrication de papier recyclé nécessite d’importantes quantités de produits chimiques, d’énergie et d’eau, sans parler de ces bateaux entiers de déchets envoyés en Asie. Sur ce point, le Bis est imbattable : il permet de ré-utiliser le papier localement et sans avoir à le retraiter. En donnant une 2ème vie au papier, le Bis permet de réduire la quantité de déchets, en prolongeant la durée d’utilisation effective, mais aussi la consommation de nouvelles ressources naturelles puisqu’il peut remplacer ensuite les sacs en plastique ou en papier kraft recyclé industriellement. Nouveau bon point !
1,7 MT supplémentaires de papier à recycler
Un objet qui plait, un intéret écologique certain, l’aventure de Karin était sur de bons rails mais une question très concrète se posa alors : aurai-je suffisamment de matière première pour augmenter durablement la production ? On est alors en juillet 2019 et la réponse viendra de Chine avec l’annonce 1 an plus tôt de la fermeture de ses frontières aux déchets étrangers alors qu’elle est le principal sous-traitant des pays occidentaux pour le recyclage de leus déchets. Résultat immédiat : 1,7 millions de tonnes de papier supplémentaires à traiter chaque année rien qu’en France. Consciente que ces volumes sont gigantesques et que le Bis ne résoudra rien à lui tout seul, elle se dit néanmoins qu’il répond parfaitement à ces problématiques nouvelles et qu’il est crédible à sa façon pour répondre à l’enjeu environnemental de la gestion des déchets. Pour les volumes de papier qu’il peut réprésenter mais aussi et surtout pour sa capacité émotionelle et éducative à valoriser l’effort de recyclage de la population en transformant les déchets en objets du quotidien. Et si demain les marques décidaient de recycler tous leurs déchets papier notamment publicitaires en sacs pour leurs boutiques, cela permettrait d’épargner combien de millions d’arbres ? Bref, tout était réuni pour que Bis puisse voir le jour : le besoin était là, la matière première abondante, l’impact positif sur l’environnement et la satisfaction de profiter au quotidien d’un objet beau, utile et écologique. La boucle était bouclée pour Karin qui se lance alors à 200% dans le projet BIS !
Bis, le ré-emploi du papier et des personnes
Pendant qu’elle confectionne patiemment à la main ses premiers sacs, Karin ne peut s’empêcher de réfléchir à la production de ses sacs à une échelle plus importante. Il lui faut pour cela trouver et collecter de la matière première en grande quantité, disposer d’un lieu pour stocker tout ce papier, et des petites mains pour l’aider à fabriquer des sacs… Elle comprend à ce moment là qu’il allait lui manquer quelque chose d’essentiel…partager ce projet fou avec les autres ! Et elle repense au nom de son sac : BIS ! Cela sonna comme une évidence pour elle :
” si on peut ré-utiliser du vieux papier et lui donner une 2ème vie, on peut aussi ré-employer des personnes qui se croient devenues inutiles et leurs offrir une nouvelle chance “.
L’insertion allait devenir la 2ème jambe de l’entreprise. Bis est donc désormais le projet d’un collectif qui servira aussi bien la planète que les habitants du territoire. Aujourd’hui, Karin a créé sa société et attend son agrément pour devenir une entreprise d’insertion et commencer à travailler avec les collectivités locales et les associations.
Une machine d’assemblage pour l’été 2021
Avec ses 2 mains et son agenda bien chargé, Karin arrive à produire une centaine de sacs par semaine. Insuffisant pour déployer son offre à plus grande échelle auprès des entreprises et des collectivités pour réellement influer sur la réduction des déchets. Grâce à l’accompagnement dont elle bénéficie avec le programme Smath et l’expertise de son tuteur l’avocat Camille Domange, elle décide alors de réfléchir à la conception et à la fabrication d’une machine automatisée capable d’assembler un plus grand nombre de sacs et obtient une première aide financière de France Active pour développer son projet. Elle se met alors en contact avec le BTS technologie du lycée Pasquet à Arles et noue un partenariat pour concevoir le futur automate. Objectif : augmenter les volumes et baisser le coût de revient du sac pour pouvoir le proposer à plus grande échelle et avoir ainsi un véritable impact écologiques à l’échelle du territoire. Les essais avancent bien et la machine devrait être opérationnelle en juin 2021 gra^ce au travail de tous.
En attendant, Karin s’occupe de tous les autres aspects du projet, comme la réalisation de test de résistance permettant d’obtenir la norme NF, la création d’un site internet, l’obtention de nouveaux financements et surtout trouver un lieu capable d’accueillir à la fois les stocks de papier et la machine d’assemblage. Sur ce point, une solution a été trouvée récemment grâce au soutien de l’ACCM et de la DIRRECTE. Bis va s’implanter en zone nord à Arles, dans les locaux du Village des Entreprises.
Un financement participatif pour boucler le budget
Afin de finaliser la fabrication de la machine, Karin va lancer une opération de financement participatif pour lui permettre de récolter 4 000 €. Si vous voulez lui donner un petit coup de main et recevoir un joli sac Bis à la maison, restez connectés, nous vous informerons sur les réseaux sociaux du lancement officiel de la campagne.
Et pour vous tenir au courant de l’avancée du projet et découvrir les nouvelles créations de Karin, c’est sur Instagram que ça se passe >>> Karin Chiron
FV
Crédit photo @thegoodarles
